Mercredi 31 octobre 2007
Pour parler et chanter, on utilise
en gros la vibration des cordes vocales qui résonnent dans les cavités
naturelles (nez, sinus, thorax). Or il existe d’autres
manières de produire des sons mais elles nous sont si peu
familières qu’elles laissent forcément pantois l’auditeur qui les entend
pour la 1ere fois. Ces sons sont clairement organiques mais
trop étrange pour venir d’une bouche humaine.
La majorité de ces techniques
utilisent la gorge et sont donc appelées chant de gorge. Le son produit
est bien plus grave que ceux des cordes vocales. Il est aussi
très riche en harmoniques (en gros les fréquences dérivées de la
fréquence fondamentale, souvent indiscernables mais qui forme le timbre
du son). On l’appelle donc aussi « chant
harmonique ». On a donc plusieurs sons produits en même temps, la
fondamentale et ses harmoniques d’où son dernier nom « chant
diphonique ».
Les chants diphoniques de l'Altaï
Parmi les chants diphoniques
traditionnels, les plus nombreux viennent des régions situées autour de
la montagne de l’Altaï : chez les peuples Mongols,
Touvas, Khakhash et Bachkirs. Le plus célèbre est celui de Touva
appelé Khoomei ou Khöömii. Ces chants ont une connotation magique très
forte et sont intimement liés aux croyances animistes de
ces peuples qui tentent avec d'imiter les bruits de la nature tels
le vent ou l’eau.
Huun Huur Tu est le groupe le plus
connu. Voici un impressionnant extrait d’un concert qu’ils ont donné au
Philadelphia Folk Festival dans le style Sygyt. J’ai
choisis un morceau acapela qui permet de mieux saisir la
particularité de ce chant.
Extrait d’un concert donné par Altai Kai
On trouve beaucoup d’articles consacrés aux chants diphoniques de Touva: un
panorama sur la musique mongole-Une bonne introduction - Entretien avec Tran Quang Hai - Présentation détaillée par Tran Quan Hai
Le chant de gorge tibétain
Le chant diphonique est aussi
pratiqué dans les monastères bouddhistes tibétains de Gyito et Gyume
sous le nom de dbyangs. Les moines reprennent les textes
sacrés tibétains sous forme de prière ou d’invocation. Les
sons produits sont incroyablement graves et étranges. Parfois les moines
mettent leur doigts devant la bouche pour faciliter la
dissociation des harmoniques.
Un extrait de chant du temple Gyuto:
Une vidéo sur Youtube "Buddhist Monk Bagdro, Klaus & Hannes Fessmann-singing stones"
Plus: Une présentation par Tran Quan Hai en anglais
Le chant de gorge inuit
Le chant inuit est sûrement le plus
déroutant pour l’oreille occidentale. Entre le dialogue, le jeu et le
duel, deux femmes imbriquent des motifs rythmiques qui se
répondent; le but est de tenir le plus longtemps possible. Cette
technique est fondamentalement différente des autres chant de gorge
traditionnels. La gorge est aussi utilisée de manière
rythmique, sans créer d'harmoniques. Surtout le chant de gorge n'a
pas de connotation religieuse ni magique mais est plus proche du jeu.
Un extrait de la compilation The Rough Guide to the Music of Canada
Plus: Article wikipédia - Présentation sur scena.org
Le beatboxing
Le beatboxing ou human beatbox
désigne l'imitation d'instruments par des techniques vocales qui s'est
développé autour du hip-hop. L'imitation d'instruments par la
voix est vieille comme le monde (et sans remonter aussi loin il
n'y a qu'à voir le scat dans le jazz) mais le beatbox a systématisé ces
recherches.
Les beatboxers ont commencé dans les
années 80 par imiter batteries et boites à rythmes pour accompagner les
rappeurs. Les techniques se sont complexifiées et le
répertoire des beatboxers intègre aujourd'hui scratch, basses,
sons issus des musiques électroniques, mélodies et tout types de
bruitage.
Le développement du beatboxing doit
aussi beaucoup au micro qui permet d'offrir puissance et profondeur aux
sons de bouche. Les plus créatifs des beatboxers
s'affranchissent de la simple virtuosité pour donner des sons
spécifiques au beatbox.
On retrouve un peu la même démarche
que le chant de gorge inuit avec le coté ludique de l'imitation et
surtout la démarche de défi qu'on retrouve dans les
battles.
On retrouve aussi la diphonie des
chants de gorge. Il ne se base pas sur le principe des harmoniques mais
sur l'illusion créée en enchaînant très rapidement et
entremêlant pulsations rythmiques et mélodies.
Plus: une vidéo de Razhel live - une interview passionnante sur arteradio.com
Le grunt
Le grunt (ou growls) désigne les
sons graves et gutturaux qu'on retrouve dans le chant death metal. Il
s'est développé comme le beatboxing dans les années 80. La
mélodie et le rythme disparaissent au profit de sons ultra graves
au timbre changeant, ce qui le rapproche clairement du chant de gorge
tibétain. Cependant le grunt cherche à amplifier le coté
violent et bestial du death metal alors que le chant tibétain est
avant tout méditatif.
Une vidéo tutorial qui permet d'entendre clairement les grunt (à partir de la 1ere minute).
Je reste assez perplexe sur le
death mais je connais très très mal ce genre. Je pense que vous aurez un
bon aperçu du genre avec cette vidéo-compilation.
Metissages et expérimentations : Sainkho Namtchylak et Tanya Tagaq
Sainkho Namtchylak et Tanya Tagaq
sont deux grandes chanteuses qui renouvellent à leur manière le chant de
gorge, touva pour Sainkho Namtchylak et inuit pour Tanya
Tagaq.
Elles offrent toutes les deux une
musique complètement habitée et assez radicale. Je n'avais jamais vu des
fusions piochant dans des genres si différents et créant
une musique si convaicante. Sainkho s'inspire du jazz, de la
musique russe et de la musique contemporaine occidentale, mais on
retrouve aussi le chant de gorge touva, des bruits et cris
sidérants et même des passages ressemblant à s'y méprende à du
beatbox. Tanya Tagaq quand à elle réinvente le chant de gorge inuit en
le pratiquant seule et l'incorporant au folk, au hip-hop,
aux musiques électroniques avec également une bonne dose de
musique contemporaine.
Tanya Tagaq & Rebecca Foon
Sainkho Namtchylak
Mercredi 31 octobre 2007
Pour parler et chanter, on utilise
en gros la vibration des cordes vocales qui résonnent dans les cavités
naturelles (nez, sinus, thorax). Or il existe d’autres
manières de produire des sons mais elles nous sont si peu
familières qu’elles laissent forcément pantois l’auditeur qui les entend
pour la 1ere fois. Ces sons sont clairement organiques mais
trop étrange pour venir d’une bouche humaine.
La majorité de ces techniques
utilisent la gorge et sont donc appelées chant de gorge. Le son produit
est bien plus grave que ceux des cordes vocales. Il est aussi
très riche en harmoniques (en gros les fréquences dérivées de la
fréquence fondamentale, souvent indiscernables mais qui forme le timbre
du son). On l’appelle donc aussi « chant
harmonique ». On a donc plusieurs sons produits en même temps, la
fondamentale et ses harmoniques d’où son dernier nom « chant
diphonique ».
Les chants diphoniques de l'Altaï
Parmi les chants diphoniques
traditionnels, les plus nombreux viennent des régions situées autour de
la montagne de l’Altaï : chez les peuples Mongols,
Touvas, Khakhash et Bachkirs. Le plus célèbre est celui de Touva
appelé Khoomei ou Khöömii. Ces chants ont une connotation magique très
forte et sont intimement liés aux croyances animistes de
ces peuples qui tentent avec d'imiter les bruits de la nature tels
le vent ou l’eau.
Huun Huur Tu est le groupe le plus
connu. Voici un impressionnant extrait d’un concert qu’ils ont donné au
Philadelphia Folk Festival dans le style Sygyt. J’ai
choisis un morceau acapela qui permet de mieux saisir la
particularité de ce chant.
Extrait d’un concert donné par Altai Kai
On trouve beaucoup d’articles consacrés aux chants diphoniques de Touva: un
panorama sur la musique mongole-Une bonne introduction - Entretien avec Tran Quang Hai - Présentation détaillée par Tran Quan Hai
Le chant de gorge tibétain
Le chant diphonique est aussi
pratiqué dans les monastères bouddhistes tibétains de Gyito et Gyume
sous le nom de dbyangs. Les moines reprennent les textes
sacrés tibétains sous forme de prière ou d’invocation. Les
sons produits sont incroyablement graves et étranges. Parfois les moines
mettent leur doigts devant la bouche pour faciliter la
dissociation des harmoniques.
Un extrait de chant du temple Gyuto:
Une vidéo sur Youtube "Buddhist Monk Bagdro, Klaus & Hannes Fessmann-singing stones"
Plus: Une présentation par Tran Quan Hai en anglais
Le chant de gorge inuit
Le chant inuit est sûrement le plus
déroutant pour l’oreille occidentale. Entre le dialogue, le jeu et le
duel, deux femmes imbriquent des motifs rythmiques qui se
répondent; le but est de tenir le plus longtemps possible. Cette
technique est fondamentalement différente des autres chant de gorge
traditionnels. La gorge est aussi utilisée de manière
rythmique, sans créer d'harmoniques. Surtout le chant de gorge n'a
pas de connotation religieuse ni magique mais est plus proche du jeu.
Un extrait de la compilation The Rough Guide to the Music of Canada
Plus: Article wikipédia - Présentation sur scena.org
Le beatboxing
Le beatboxing ou human beatbox
désigne l'imitation d'instruments par des techniques vocales qui s'est
développé autour du hip-hop. L'imitation d'instruments par la
voix est vieille comme le monde (et sans remonter aussi loin il
n'y a qu'à voir le scat dans le jazz) mais le beatbox a systématisé ces
recherches.
Les beatboxers ont commencé dans les
années 80 par imiter batteries et boites à rythmes pour accompagner les
rappeurs. Les techniques se sont complexifiées et le
répertoire des beatboxers intègre aujourd'hui scratch, basses,
sons issus des musiques électroniques, mélodies et tout types de
bruitage.
Le développement du beatboxing doit
aussi beaucoup au micro qui permet d'offrir puissance et profondeur aux
sons de bouche. Les plus créatifs des beatboxers
s'affranchissent de la simple virtuosité pour donner des sons
spécifiques au beatbox.
On retrouve un peu la même démarche
que le chant de gorge inuit avec le coté ludique de l'imitation et
surtout la démarche de défi qu'on retrouve dans les
battles.
On retrouve aussi la diphonie des
chants de gorge. Il ne se base pas sur le principe des harmoniques mais
sur l'illusion créée en enchaînant très rapidement et
entremêlant pulsations rythmiques et mélodies.
Plus: une vidéo de Razhel live - une interview passionnante sur arteradio.com
Le grunt
Le grunt (ou growls) désigne les
sons graves et gutturaux qu'on retrouve dans le chant death metal. Il
s'est développé comme le beatboxing dans les années 80. La
mélodie et le rythme disparaissent au profit de sons ultra graves
au timbre changeant, ce qui le rapproche clairement du chant de gorge
tibétain. Cependant le grunt cherche à amplifier le coté
violent et bestial du death metal alors que le chant tibétain est
avant tout méditatif.
Une vidéo tutorial qui permet d'entendre clairement les grunt (à partir de la 1ere minute).
Je reste assez perplexe sur le
death mais je connais très très mal ce genre. Je pense que vous aurez un
bon aperçu du genre avec cette vidéo-compilation.
Metissages et expérimentations : Sainkho Namtchylak et Tanya Tagaq
Sainkho Namtchylak et Tanya Tagaq
sont deux grandes chanteuses qui renouvellent à leur manière le chant de
gorge, touva pour Sainkho Namtchylak et inuit pour Tanya
Tagaq.
Elles offrent toutes les deux une
musique complètement habitée et assez radicale. Je n'avais jamais vu des
fusions piochant dans des genres si différents et créant
une musique si convaicante. Sainkho s'inspire du jazz, de la
musique russe et de la musique contemporaine occidentale, mais on
retrouve aussi le chant de gorge touva, des bruits et cris
sidérants et même des passages ressemblant à s'y méprende à du
beatbox. Tanya Tagaq quand à elle réinvente le chant de gorge inuit en
le pratiquant seule et l'incorporant au folk, au hip-hop,
aux musiques électroniques avec également une bonne dose de
musique contemporaine.
Tanya Tagaq & Rebecca Foon
Sainkho Namtchylak
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